HEURES SUPPLEMENTAIRES : EN CAS DE LITIGE, L’EMPLOYEUR DOIT ETRE EN MESURE DE JUSTIFIER DES HORAIRES EFFECTIFS DE TRAVAIL DU SALARIE
Dans le cadre d’un litige prud’homal consécutif à la rupture du contrat, il n’est pas rare que le salarié, accessoirement à la contestation du caractère légitime de son licenciement, présente des demandes de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires qu’il affirme avoir effectuées.
Cette demande s’accompagnera assez souvent d’une demande de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ou du repos quotidien et hebdomadaire, voire d’une demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, voire encore d’une demande d’indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire pour travail dissimulé.
Le décrié barème légal d’indemnisation du licenciement abusif (dit « barème Macron ») venu plafonner les espoirs de gains, a contribué à la multiplication de demandes diverses et variées devant le Conseil de prud’hommes, ce dans un souci de « rentabiliser » un recours, notamment lorsque le salarié a une faible ancienneté.
Autre réflexe observé : en amont d’un recours judiciaire, lorsqu’un salarié sollicite une rupture conventionnelle de son contrat et se voit opposer une fin de non-recevoir, il invitera parfois son employeur à revoir sa position en brandissant la menace d’un contentieux en paiement d’heures supplémentaires.
Au regard de la prescription triennale des demandes à caractère salarial, la note peut, in fine, s’avérer salée pour les entreprises qui n’auraient pas pris les précautions élémentaires en matière de contrôle du temps de travail.
Il est donc indispensable d’avoir à l’esprit les règles applicables et d’oublier certaines idées reçues, telles que :
- Un salarié qui n’a jamais rien demandé pendant 3 ans n’est pas crédible devant un juge ;
- La souplesse accordée au salarié dans la gestion de son emploi du temps exonère l’entreprise du moindre contrôle ;
- L’entreprise n’ayant pas autorisé l’exécution d’heures supplémentaires ou ne les ayant pas expressément demandées, elle n’est redevable d’aucune contrepartie ;
- Le statut cadre est privatif du paiement d’heures supplémentaires ;
- Le salarié qui relève d’un forfait-jours ne peut en aucun cas réclamer le paiement d’heures supplémentaires ;
- C’est au salarié de démontrer qu’il a réalisé des heures supplémentaires ;
- Le salarié (itinérant par exemple) perçoit une rémunération très importante « forfaitaire » qui couvre largement les éventuelles heures supplémentaires.
Règle n°1 : l’employeur doit tenir un décompte du temps de travail du salarié qui n’est pas soumis à l’horaire collectif de travail.
Règle n°2 : tout salarié, quel que soit son statut, ses fonctions ou son niveau de rémuénration, peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires sauf, et sous conditions, s’il relève du régime du forfait jours et ou s’il est cadre dirigeant.
Règle n°3 : le salarié au forfait jours est exclu des règles du décompte en heures de son temps de travail à condition que le forfait soit valable et régulièrement mis en œuvre.
Pour être valable, le forfait jours doit reposer sur un support conventionnel (accord de branche ou d’entreprise) lui-même valide et faire l’objet d’un accord exprès écrit du salarié (signature d’une clause individuelle de forfait).
Pour être régulier, le forfait doit s’accompagner, d’un suivi de la charge de travail qui passe obligatoirement par un décompte mensuel des jours travaillés et non travaillés et par un entretien minimum dans l’année, dédié à ce suivi (distinct de l’entretien annuel d’évaluation) et formalisé par un compte rendu écrit.
Règle n°4 : en cas de litige relatif à la durée effective de travail, le régime de la preuve est « partagé ».
Ainsi, le salarié n’a-t-il pas à prouver qu’il a effectué des heures supplémentaires mais simplement à produire des éléments suffisamment précis laissant présumer l’existence des heures revendiquées.
Face aux éléments produits par le salarié, l’employeur doit être en mesure de justifier des horaires effectivement réalisés.
Le juge forme alors sa conviction en fonction de l’ensemble des éléments produits par les parties.
Or, la jurisprudence actuelle est particulièrement favorable au salarié en instaurant une « présomption d’heures supplémentaires ». En effet, un simple décompte manuscrit ou un agenda, même établi a posteriori dans le cadre d’un contentieux, se limitant à mentionner un nombre d’heures travaillées par jour, voire par semaine, constitue un commencement de preuve suffisamment précis aux yeux du juge.
En d’autres termes, un simple déclaratif émanant du salarié a une valeur juridique.
Et si l’employeur n’a pas instauré de contrôle des horaires du salarié, via un pointage ou un système autodéclaratif signé par le salarié, il va se trouver en difficultés.
Il ne pourra se retrancher utilement derrière le fait qu’il ignorait la situation ou qu’il n’a pas autorisé l’exécution d’heures supplémentaires, d’autant plus si la charge de travail impliquait nécessairement des dépassements d’horaires.
Le juge sera ainsi enclin à se baser sur les éléments du salarié et il condamnera l’employeur au paiement de tout ou partie des heures supplémentaires revendiquées.
La sanction sera la même dans l’hypothèse d’un forfait-jours invalide ou irrégulièrement mis en œuvre.
Le contrôle du temps de travail des salariés est donc un moyen élémentaire et efficace pour prévenir un différend sur le sujet et se prémunir contre des conséquences financières parfois très lourdes.
Il permet aussi à l’employeur de vérifier que les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire sont respectées, ce qui participe du respect de l’obligation de sécurité mise à sa charge.
Il est par conséquent recommandé d’être particulièrement vigilant sur cette question…
Delphine André